_ S’il faut en croire la suite du récit du vieil Antoine J., nos nakraks, obligées de déguerpir du voisinage immédiat de cette bête redoutable connue depuis lors sous le nom de Bête de Staneux, se retirèrent dans le bois de Stockis.
Très désemparées, elles étaient plus sociables et entretinrent d’assez bons rapports avec les quelques familles qui vivaient dans la vallée. Comme condition de cette bonne entente, quatre fois l’an, à dates déterminées et à tour de rôle, les habitants leur faisaient don d’une chevrette. On peut voir encore aujourd’hui le lieu où ils procédaient à leurs agapes.
Une fois le rendez-vous était sur une lande près du nouveau cimetière de Theux, à une autre époque c’était à mi-chemin entre Jevoumont et la carrière qui surplombe la vallée. Cette situation dura de longues années.
Entre temps. le pays de Franchimont commençait à se peupler de plus en plus. Ici et là, les habitants établirent de petites forges, à élever de petits troupeaux de chèvres ajoutèrent une ou deux vaches, Une vie nouvelle s’organisait.
Les jeunes gens, très sédentaires en raison de la difficulté de communication, choisissaient leurs épouses dans leur milieu. C’est pour cette raison que dans nos villages franchimontois, on remarque énormément de familles portant le même nom.
Le progrès s’infiltrant dans nos mœurs, on vit apparaître divers outils en fer et des rouets très primitifs, car nos villageois possédant quelque brebis en
utilisaient la laine qu’ils apprenaient à filer.
Or, un beau jour, il arriva qu’un Theutois étant allé conduire sa chevrette à l’endroit désigné, fut très surpris le lendemain de voir sa bête à la porte de l’étable. C’était la première fois que la chose arrivait. Voici ce qui s’était passé : Quelques jours auparavant, un pèlerin qui se dirigeait vers Stavelot
vint s’arrêter près de la carrière de Jevoumont. Juste au moment où les macrales tenaient leur réunion. A leur vue, le saint homme, médusé, vit de suite de quoi il s’agissait : il étendit le bras, fit un grand signe de croix et nos macrales, poussant un cri lamentable, disparurent pour toujours. Après avoir bien observé la place qu’elles occupaient peu avant, le voyageur se fit une petite couchette de fougères et se reposa. Le matin voulant se rafraîchir il enleva quelques pierres du sol, et aussitôt une petite source d’eau claire apparut. Trempant une poignée d’herbe dans le petit bassin, il en
aspergea copieusement le terrain. L’eau de la source qui maintenant débordait, s’infiltra de nouveau en terre et on entendit un petit bruit cristallin qui se prolongeait et s’éloignait dans la direction de la vallée droit sur Theux.
C’est depuis lors qu’une eau limpide sort d’un talus près de Marché.
Comme cette source était apparue tout de suite après la disparition des macrales, les gens de la contrée s’en servaient dans toutes ses occasions sérieuses.
On l’appelait « lu beni fontaine ». Il y a environ soixante ans. un jardinier appelé Mélotte habitait la demeure en face de la source, depuis on a pris l’habitude de lui donner le nom de “Fontaine Mélotte”.
De nos jours beaucoup de personnes viennent encore chercher de cette eau pour leurs malades. Et voilà comment toutes ces anciennes croyances s’initièrent, dans l’esprit de nos ancêtres.
Autres temps, autres mœurs.
Regn. TIEFFELS.