Né il y a bien longtemps déjà sur les hauteurs de Verviers, il posa très tôt ses premiers jalons dans la vallée de la Hoëgne pour devenir, après quelques courtes pérégrinations, monsieur “teco-radio”.
Et lorsque l’électronique prit le pas sur son savoir, il remisa pinces et fils et lampes à incandescence pour devenir “le petit homme vert”. Béret alpin posé sur la tête, un long cache-poussière gris maculé de bonne terre s’affaissant sur ses bottes, il se mit à pousser sa brouette de jardin en jardin, un lopin par ci, un lopin par là.
Profession accessoire ? Principale ? Allez savoir ! Nombreux sont-ils ceux qui, au petit matin, trouvaient sur le seuil de leur porte, qui une botte de poireaux “bio”, qui une gerbe de carottes ou une salade encore enrobée de rosée…
Pendant des années, il fut le bon et généreux serviteur du club, chargé de l’entretien du terrain et c’est ainsi qu’il s’en alla en ahanant arpenter ses lignes droites, longues ou courtes, courbes ou rondes, comme un danseur des temps anciens dans l’immensité du Waux-Hall, avec la même brouette, où les végétaux avaient fait place à la chaux.
Tel un grand prêtre, il s’en allait à veille de chaque dominique, bénir les lignes blanches avec son goupillon, “pas plus qu’il ne fallait !”.
Le rituel le plus émouvant était celui du dimanche à 14h, avant le match, lorsqu’il se glissait derrière le comptoir et laissait choir, licitement, une barre de chocolat noir, un sachet de chips et une petite saucisse fumées dans ses grandes poches. C’était son dîner du dimanche qu’il allait consommer dans les anciens vestiaires, au fond du terrain, d’où il guettait folâtrer les ballons pendant la grand-messe du football. Et lorsque sa brouette, usée d’avoir tiré son jardinier pendant des milliers de kilomètres, s’affaissa, il s’en alla trouver chaleur et mieux-être au home Sainte-Joséphine, où il coule ses (86 !) années heureuses.
Et s’il vous arrive de passer par là, une petite barre de chocolat noir s.v.p. !
Tout simplement pour le remercier…
“A vot’ bon cœur, monsieur ! A vot’ bon cœur, madame !”.
Pays de Franchimont 657 juin 2001